Mamma Medea: La presse

Extraits

> Le Soir, Michèle Friche, novembre 2011

(...) Lanoye plonge aux racines de la tragédie tout en flirtant avec la comédie pour creuser "l'étrangeté" de Médée, sa quête de reconnaissance, les ravages monstrueux de sa passion pour Jason. Mamma Medea ou la mythologie d'un couple forgé dans le crime, source de toutes les guerres. "On ne connaît jamais un étranger", dira Médée face à un Jason (étonnant Yannick Renier), à la vanité nonchalante, genre "keep cool" (sic). Toute la distribution affirme des tempéraments tranchés dont Philippe Jeusette, grandiose en bestialité barbare, Fabrice Rodiguez et Francesco Italiano (qui nous offrira aussi une impayable composition en femme de ménage).

Sermet a la poigne des vrais directeurs d'acteurs et l'intelligence de l'espace. Corps, regards, scénographie : tout irradie en dynamique juste. Des jouets colorés et une petite tente blanche translucide (maison, chambre, refuge) seront les trouées lumineuses d'une scène nue et noire, habitée d'une discrète bande-son.

Tom Lanoye remonte aux sources et dévoile la jeunesse de Médée, sa rencontre avec Jason, les massacres pour ravir la fameuse Toison d'or : première partie épique faisant écho à la tragédie antique où les crimes ne sont pas représentés mais contés par des messagers (Pierre Hazaert et Nicolas Legrain) à l'excitation d'un commentateur de match, en partie devant une télévision aux entrailles vides. Par contre, le meurtre du jeune frère de Médée (guitariste lunaire d'Adrien Drumel) se fera sur le plateau et ce crime soude irrémédiablement Jason et Médée.

La seconde partie devient scène de ménage, avec ses actes monstrueux mais aussi ses failles, ses gosses qui jouent (à la guerre, bien sûr) et qui demandent aux parents de se disputer moins fort... Tout avait commencé par un repas de famille enragé, deux heures plus tard, la pièce se clôt sur la solitude du couple, exsangue de sa tragédie. Une fin sublime.
http://mad.lesoir.be/scenes/33013-mamma-medea/

 

 

> La Libre, Guy Duplat, 13 octobre 2011

Une Médée de 2000 volts

C’est d’abord l’histoire d’un couple qui se découvre, s’aime puis qui se déchire. Mais dans la création de Christophe Sermet, artiste associé au Rideau, c’est elle, Médée, qui fascine - jouée par Claire Bodson. Son amant/mari/ennemi, Jason, est interprété par Yannick Renier. Couple dans la vie, couple à l’écran ("Elève libre"), les voilà couple à la scène avec énergie et talent fous. Elle est une Médée sauvage, un bloc de dynamite. C’est la Barbare, l’étrangère, la belle sorcière (toutes les femmes de caractère sont des sorcières disent les hommes depuis la nuit des temps), séduite par le beau Grec désinvolte venu chercher la Toison d’or sur son île. Mais quand celui-ci la délaissera pour la fille du roi Créon, elle fulminera d’une colère d’autant plus impressionnante qu’elle n’a pas besoin de cris. Sa rage est rentrée, volcan au bord de l’éruption. Alors, Médée a 2000 volts. La toucher vous électrocute, ses regards vous grillent comme l’expérimente la fille "nunuche" de Créon. Face à elle, tous deviennent des lâches, des mous. S’il y a un homme sur scène, c’est elle.

Cette guerre du couple est aussi une guerre civile, mère de tous les conflits. Elle oppose les Grecs aux Barbares, les civilisés aux "primitifs". Tom Lanoye a complètement réécrit le mythe et divisé sa pièce en deux parties. Dans la première, Jason et son équipage d’Argonautes arrivent en Cholchide pour s’emparer de la Toison. Il n’y parviendra que grâce aux sortilèges de Médée. Le couple s’enfuit non sans avoir tué le frère de Médée - meurtre symbolique - et découpé le corps en morceaux. Dans la seconde partie, on se retrouve à la fin de l’histoire quand Créon chasse Médée et ses enfants. Tom Lanoye a réinventé la fin et on en laissera la surprise. Le meurtre des enfants devient, comme celui du frère de Médée, un moment symbolique pour le couple. (...)

http://www.lalibre.be/archive/une-medee-de-2000-volts-51b8dc5ce4b0de6db9...